Entretien avec Mariama Satina Diallo Sy, ex-présidente du Comité de normalisation (CONOR) de la Fédération guinéenne de football, Membre de la COFFIG (Coalition de Femmes et Filles de Guinée) et présidente commission féminine de l’Union des fédérations ouest-africaines de football (UFOA). PROPOS RECUEILLIS PAR MANO BOUVIER. Extrait du Women Sports Africa N°9.
Qui de mieux qu’une femme de terrain pour nous parler de l’état du football féminin en Afrique ? Pendant deux ans, de novembre 2021 à novembre 2023, Mariama Satina Diallo Sy a été présidente du CONOR. L’objectif de ce comité de normalisation était de retrouver une stabilité au sein de la Fédération guinéenne de football. Une expérience qui a permis à sa présidente d’analyser l’évolution du football féminin africain avec un œil aiguisé.
WOMEN SPORTS : COMMENT ÊTES- VOUS ARRIVÉE DANS LE MILIEU DU FOOTBALLISTIQUE ?
MARIAMA SATINA DIALLO SY : Je suis venue dans le sport, si je peux me permettre par accident. Il y a eu des problèmes au ni- veau de la Fédération guinéenne de football et la FIFA a jugé utile de mettre en place un comité de normalisation et j’ai été nommée par la FIFA pour présider celui-ci. Au départ, c’était prévu pour six mois. Malheureusement, les problèmes ont continué. Ça n’a pas été facile avec les membres de la fédération avec qui il y a eu quelques différends. Donc, ça s’est prolongé pendant deux ans. Même si ce n’était pas prévu, cette expérience a été très enrichissante.
SI VOUS DEVIEZ FAIRE UN PANORAMA D’ENSEMBLE DU FOOTBALL AFRICAIN FÉMININ ACTUEL QUELLE CONCLUSION EN TIRERIEZ-VOUS ?
Le football féminin en Afrique et notamment en Guinée est quelque chose d’assez nouveau. Disons que les hommes ne se sont pas tellement occupés de ces compétitions féminines. Les efforts étaient moindres. Il a vraiment fallu, pratiquement, une injonction de la CAF et de la FIFA au ni- veau de ces instances, pour que le football féminin commence à devenir une réalité. Et il a fallu des budgets qui ont été votés par la FIFA dans le programme de développement pour que cette pratique sportive fasse vraiment partie aujourd’hui du paysage footballistique en Afrique. Mais les choses sont en train d’évoluer réellement, à l’avenir celui-ci va prendre une place de plus en plus importante.
POURQUOI CERTAINS PAYS AFRICAINS SONT-ILS AUSSI RÉTICENTS AU DÉVELOPPEMENT DU FOOTBALL FÉMININ?
C’est un peu le même phénomène qu’en Europe. Je suis une femme, et nous nous plaignons à juste titre d’avoir toujours été mis à l’écart de décisions, mis à l’écart de plusieurs choses, non seulement dans nos états, dans le milieu économique, et j’en passe. Le football aussi ne fait pas abstraction à la règle. C’est malheureusement un poncif général que ce soit en Afrique ou ailleurs, les femmes sont toujours obligées de se battre un peu plus que les hommes pour pouvoir figurer dans un palmarès, pour être considérées dans le secteur qu’elles aiment ou qu’elles ont choisi. Mais je vois du changement, j’ai eu le plaisir d’aller à la dernière Coupe du monde féminine en Australie, il y a eu un réel engouement, donc les choses commencent à évoluer.
COMMENT FAIRE POUR RÉUSSIR À CONTINUER À DÉVELOPPER LE FOOTBALL FÉMININ EN AFRIQUE ?
Il faudrait que nos États s’engagent à soutenir davantage le football féminin. Dès le bas âge, dès les écoles primaires, ici en Guinée, de plus en plus de jeunes filles s’intéressent au football. Et nous avons actuellement des arbitres, des entraîneurs femmes, elles commencent à se faire une réelle place. Elles sont en train de bouger, et de plus en plus. Elles veulent non seulement jouer, mais aussi être dans les encadrements. Et je suis sûre que dans quelques années, avec l’engagement de la FIFA et de la CAF, pour soutenir et encourager le football féminin, et la disposition des ministères des sports de nos États, nous atteindrons un premier objectif : 30 % de femmes dans les bureaux des instances sportives.
Il faut aussi miser sur les championnats locaux. Quand je suis arrivé au CONOR, on était restés longtemps sans pouvoir faire de championnat féminin en Guinée. On a finalement réussi et aujourd’hui il y a une réelle continuité. Et cette année, il y a des jeunes femmes très dynamiques dans le bureau de la fédération, elles sont en train de se battre pour continuer à le développer. Maintenant, il faut que localement, on continue. Il y a des sponsors, qui ne veulent sponsoriser que des femmes, des championnats féminins. Cette démarche est à encourager. Nous avons une société minière en Guinée qui finance le championnat des équipes féminines par exemple. Et croyez-moi, la FIFA aussi a envoyé les moyens qu’il faut pour que le championnat puisse se faire.
EST-CE QU’UNE NATION FÉMININE AFRICAINE ARRIVERA UN JOUR À REMPORTER UNE COUPE DU MONDE ?
Et pourquoi pas ? On a bien vu un pays africain qui est allé en demi-finale de la Coupe du Monde avec le Maroc en 2022 à Doha. C’est un objectif très clair. Et là, on s’y approche petit à petit. Le football est devenu mondial. Aujourd’hui, il y a énormément de moyens qui sont mis par les institutions internationales telles que la FIFA ou la CAF notamment en matière de formation. Si il y a un bon leadership qui continue au niveau des fédérations, on va y arriver. On va y arriver forcément.
UN PETIT MOT DE LA FIN?
De nombreuses femmes travaillent activement en Afrique pour promouvoir le football féminin sur le continent. Je voudrais notamment parler de Fatma Samou- ra qui a participé à L’épanouissement de ce football féminin. En tant que femme, elle a joué un rôle majeur là-dedans pour pousser les femmes à occuper des postes à responsabilité. Nous lui devons vrai- ment ça et je pense que l’histoire retiendra cela d’elle. Nous allons y arriver.
Mariama Satina Diallo Sy en bref :
Une femme aux multiples casquettes. Son expérience au sein comité de Normalisation (CONOR) de la Fédération guinéenne de football est loin d’être la seule ligne sur son CV impressionnant. Elle fut l’une des premières femmes cheffe d’entreprise de son pays et est une ancienne ministre du tourisme, de l’hôtellerie et de l’artisanat en Guinée. Et cela n’est qu’un début, elle est aussi Présidente Directrice Générale du Groupe Mondial Tours, présidente du REFAMP/G (Réseau des Femmes Africaines Ministres et Parlementaires de Guinée), vice-présidente de la CEPEG (Confédération Patronale des Entreprises de Guinée), présidente de l’APPTOUR (Association Patronale des Professionnels du Tourisme), secrétaire de la communication de la PCSPG (Plateforme de Concertation du Secteur Privé Guinéen), membre de la COFFIG (Coalition de Femmes et Filles de Guinée), membre du réseau Fly Afrika, membre consultante AGSA auprès du FMI en Guinée et enfin présidente de la DRFG (Délégation de la Renaissance Française en Guinée). Une femme incontournable !