Le rêve de participer aux Jeux Olympiques peut faire déplacer des montagnes ! La Mauritanienne Houleye Ba, 30 ans, institutrice et championne d’athlétisme, nous raconte son parcours aussi compliqué qu’inspirant ! PROPOS RECUEILLIS PAR RAPHAËL MARCANT. Extrait du Women Sports Africa N.7.
Pays du nord-ouest de l’Afrique, la Mauritanie est enclavée par des voisins à l’aura plus imposante sur le plan sportif tels que le Sénégal ou l’Algérie. Elle regorge néanmoins de nombreux athlètes qui n’attendent qu’une seule chose : pouvoir briller. Loin d’être prédestinée à une carrière de sportive de haut niveau, Houleye Ba a emprunté dès le collège la voie qui l’amènera jusqu’aux JO : « Je disais toujours que le sport était ma matière préférée jusqu’au jour où une fille m’a fait découvrir l’athlétisme. Elle m’a dit qu’il existait des com- pétitions, qu’il fallait aller plus vite que les autres et qu’à la fin on pouvait avoir des cadeaux (rires). Après ma première course, je n’ai plus jamais lâché. »
Alors que le sport est difficile d’accès lorsque l’on est une femme, l’école a été une porte d’entrée vers un monde dont elle ne connaissait pas encore l’existence. Une passion dévorante pour laquelle ses parents, et surtout sa mère, n’ont pas été des plus réceptifs : « Mon père m’a toujours soutenue. Il est toujours le premier à me pousser dans les choses qui me tiennent à cœur. Tout le contraire de ma mère, avec qui ça a été la guerre. Ici, une femme doit rester à la maison, faire la cuisine et la vaisselle… La preuve, même quand elle a fini par accepter que je fasse du sport, elle me traitait de garçon manqué, disant que je préférais aller courir comme les hommes. »
« TOUT CE QUE JE REGRETTE, C’EST QU’ON M’EMPÊCHE DE RÉALISER MON RÊVE. »
De la crainte à l’accomplissement
Des critiques régulières issues de nombreux préjugés dont elle n’avait que faire. D’un caractère entêté, Houleye n’a jamais laissé personne influencer ses choix.
C’est ainsi qu’au fur et à mesure du temps, elle a convaincu sa mère du bien-fondé de son obstination. Sa présence aux Jeux de Rio s’est avérée être un argument de poids. Quatrième Mauritanienne à avoir eu la chance de participer aux Jeux Olympiques, Houleye Ba a vécu une période trouble avant d’être retenue en 2016. Si les sélections sont particulièrement strictes en France, ce n’est pas le cas de toutes les nations qui nous entourent, où d’autres critères que le sportif sont valorisés. Quelques mois avant que la flamme olympique n’atteigne son ultime point de chute, la sportive de Nouakchotte s’est heurtée à un mur, celui de ne pas faire partie d’un cercle très restreint, celui de ne pas être la fille d’untel. Un critère qui lui a fermé les portes de nombreux événements sportifs. Néanmoins, alors qu’elle continuait à s’entraîner seule de son côté, toutes ses concurrentes ont lâché prise par manque de suivi, lui offrant ainsi la récompense tant attendue. Tenaillée par la crainte d’être recalée à la dernière minute, elle n’a laissé filtrer ses émotions que lors de la cérémonie d’ouverture où elle a fini par fondre en larmes aux yeux du monde.
Extrêmement fière d’avoir représenté son pays, elle déplore néanmoins le fonctionnement de ces instances sportives, qui l’a empêchée d’avoir une préparation optimale. Un scénario qui s’est répété quelques années plus tard, à Tokyo, où elle n’a été appelée que deux semaines avant de s’envoler pour le Japon.
Institutrice au quotidien, elle n’a aucune peine à concilier sa carrière sportive et sa profession. En sanglots, elle estime que l’athlétisme n’est plus en Mauritanie : « Aujourd’hui, il n’y a plus rien. Il n’y a pas d’entraîneurs, pas de compétitions, rien de rien. C’est silence radio. » Les moyens nécessaires pour performer sur la scène internationale ne lui ont pas été offerts, symbole de valeurs sportives défaillantes : « Pour les Jeux de Tokyo, je suis partie dans la peau d’une touriste. Je savais que j’avais perdu d’avance. Le pays avait juste besoin de quelqu’un pour le représenter, moi ou quelqu’un d’autre c’était pareil. Tout ce qu’ils veulent c’est une participation honorable. Tu fais ta course et tu rentres au pays. »
Des propos qui expliquent son choix de participer aux 100 m lors des Jeux Olympiques de Tokyo. Loin d’être suffisamment préparée, elle ne se sentait pas capable de survivre à une épreuve plus longue. Alors que rien n’a changé depuis son retour du Japon, elle constate avec regrets la décrépitude de son sport : « La seule chose que je regrette c’est qu’on m’empêche de réaliser mon rêve. J’aurais voulu arracher une médaille, au moins une, n’importe laquelle (pleurs) ». Aujourd’hui, malgré son passé olympique, elle a mis le sport de côté. «Il n’y a plus rien ici » nous dit-elle. Une situation qui n’augure rien de bon à quelques mois de l’entame de Paris 2024.